L’importance du tissu adipeux: plus qu’un simple “stockage” d’énergie

fat

🇬🇧Read in English

Quand j’ai pris ce poste, j’ai pensé qu’il serait bon de me concentrer sur la relation entre reproduction et nutrition. Au début, je dois admettre que ce sujet spécifique m’intriguait beaucoup. Lorsque je travaillais à la faculté vétérinaire de Paris, bien que 100 % des cas que nous traitions concernaient la reproduction canine/féline (c’est ce qu’on attend d’un département de Reproduction des Petits Animaux, n’est-ce pas ?) et que nous avions un bon nombre de cas d’infertilité/pathologie du tractus génital/reproduction assistée, nous n’abordions jamais vraiment la nutrition (sauf lorsqu’il s’agissait de discuter de stérilisation, mais c’est une autre histoire !).

Quand j’ai commencé au Canada, j’ai fait ce que j’avais appris durant mes années universitaires : avant de commencer à travailler sur un sujet, faire une revue complète de la littérature scientifique. J’ai été sidéré quand j’ai tapé « nutrition » et « reproduction » dans le moteur de recherche de la base de données scientifique (au fait, pas Google…). Plus de 18 000 références ! Wouah, beaucoup à apprendre ici ! Puis j’ai précisé ma recherche en ajoutant des mots-clés comme « chien », « chat », « canin », « félin »… Le nombre de résultats a considérablement diminué à moins de 70. Pour résumer rapidement : il reste encore beaucoup à apprendre en comparaison avec ce que nous savons chez d’autres espèces animales…

Heureusement, il y avait de bonnes nouvelles : un excellent travail avait déjà été réalisé sur ce sujet et même si nous n’en savons pas autant que chez les grands animaux ou les humains, il existe des découvertes qui illustrent cette connexion entre les deux systèmes et qui peuvent déjà être mises en œuvre sur le terrain. Par exemple, nous comprenons bien comment la condition corporelle peut potentiellement affecter la fertilité. Je me souviens avoir participé il y a quelques années à une discussion en ligne avec d’autres vétérinaires spécialistes de la reproduction : nous discutions du rôle de l’obésité dans les problèmes de fertilité, car certains d’entre nous avaient l’impression que ce phénomène était plus fréquent chez les animaux de compagnie en surpoids ou obèses. Comment expliquer cela ? Deux raisons principales ici :

La graisse : aussi un tissu endocrinien

– Le surpoids signifie plus de tissu adipeux. Et bien que le tissu adipeux soit généralement considéré comme un tissu « uniquement de stockage d’énergie », ce n’est en réalité pas le cas. En effet, le tissu adipeux a également une fonction endocrine, ce qui signifie qu’il sécrète des hormones. Y compris des hormones sexuelles comme les œstrogènes, la progestérone, la testostérone… Il sécrète une autre hormone appelée leptine, dont le rôle est particulièrement intéressant en matière de reproduction. Le système reproducteur est en effet bien organisé et différentes sécrétions hormonales à différents niveaux participent à son bon fonctionnement et à sa régulation (voir Fig. 1 ci-dessous). C’est un système bien équilibré qui doit le rester… C’est là que se trouve le problème : le surpoids peut perturber cet équilibre. Un exemple : la leptine modifie les sécrétions hormonales de l’hypothalamus – qui est considéré comme le régulateur de la fonction reproductive. Surpoids = excès de graisse = plus de leptine : en modifiant les sécrétions de l’hypothalamus, la leptine peut donc agir comme un perturbateur hormonal potentiel. Chez l’humain, le surpoids est souvent associé à des maladies comme le SOPK (Syndrome des Ovaires Polykystiques), qui peut être influencé par ce type de déséquilibre hormonal. Chez les petits animaux, nous soupçonnons que les conditions de surpoids peuvent favoriser l’apparition d’anovulation / kystes ovariens / mort embryonnaire précoce.

Fig 1 : Organisation de la fonction reproductive chez les chiens et les chats / L’hypothalamus et l’hypophyse sont des glandes situées dans le cerveau. GnRH = Hormone de Libération des Gonadotrophines, FSH = Hormone Folliculo-Stimulante, LH = Hormone Lutéinisante

Les gamètes et les embryons n’aiment pas l’augmentation de la température corporelle

– Le tissu adipeux joue également un rôle important dans l’isolation du corps. Chez les individus en surpoids, la température corporelle est généralement un peu plus élevée que la normale. Pas grave ? Peut-être… mais nous savons que les embryons et les gamètes (spermatozoïdes et ovocytes) sont sensibles aux variations de température. Si la température augmente, leurs capacités peuvent en effet être altérées. Ce phénomène est bien décrit chez le chien mâle, où l’infiltration de tissu adipeux dans le scrotum est suivie d’une augmentation de la température qui peut entraîner un dysfonctionnement dans la production de spermatozoïdes et, dans les pires cas, un arrêt total de la production de sperme testiculaire.

En matière d’élevage, il n’y a donc qu’une seule règle simple à suivre : ne reproduire que des individus qui sont dans des conditions corporelles optimales. Vous comprenez maintenant pourquoi, afin d’optimiser la fertilité, le suivi de la condition corporelle de l’animal et de son apport alimentaire (par le rationnement) sont des éléments clés.

Leave a comment